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Malaise dans la civilisation 3.0 : attention danger!

par Olivier MILHERES 16 févr., 2023
Le traumatisme est progressivement devenu un véritable marché dans le champ de la santé mentale et des psychothérapies. Ce mouvement d'amplitude s'est déployé au détriment de la rigueur clinique. Le ravalement obtenu est préjudiciable par bien des aspects, au premier rang desquels réside cet amour suspect des "traumatisés psychiques". Docteur Knock règne : pour que je puisse vous guérir, soyez donc malade. Nous obtenons concomitamment une fabrique du traumatisé et une floraison d'offres psychothérapeutiques. Malheureusement, l'idée même qu'un évènement traumatique ne produise pas un trauma est devenue obsolète. Les causalités se réduisent aux linéarités simplistes ("tu as eu un accident de voiture donc tu est traumatisé, et si tu n'acquiesce pas immédiatement, c'est que tu es un traumatisé qui s'ignore"). Pire encore, l'idée que tout être parlant s'est construit sur un trama est devenue étrangère à nos "bricoleurs-sauveteurs" du traumatisme. Il ressort de ces deux lois psychiques que chacun réagit avec sa singularité à un même évènement. Il est strictement impossible d'associer un évènement générique à un effet traumatique pour tout être parlant. Par conséquent il convient de s'indigner sans relâche face à ces professionnels de "la santé mentale" qui s'empressent d'assigner un être humain à un état de traumatisme psychique, donc de victime. Il y a dans cette propension de plus en plus ancrée dans les pratiques une violence aussi sourde que dévastatrice à l'égard du sujet. La question du traumatisme doit se poser avec le discernement suivant : qu'est-ce qui fait trauma (ou pas) dans un traumatisme pour cette personne en particulier? Autrement dit, l'acte en lui même n'est pas constitutif d'un trauma. Et c'est une excellente nouvelle, car cela préserve la capacité de résistance (avant même toute résilience) de tout être parlant. Encore faut-il réintroduire dans la pensée clinique les logiques temporelles et de topologie subjectives qui nous enseignent à nous éloigner des évidences et des manifestations apparentes. De nombreux développements seraient nécessaires pour préciser chaque arcane du raisonnement clinique. Contentons nous ici d'en souligner quelques uns. Jacques Lacan parlait de "troumatisme" : tout être parlant est aux prises avec le refoulement originaire et ses avatars. Nous sommes tous potentiellement exposés à ce qui gît derrière l'angoisse : la détresse. C'est en ce sens que la clinique de l'angoisse est primordiale. L'angoisse n'est pas le stress. Le fantasme inconscient, la prévalence de certains mécanismes de défense, des nouages singuliers entre les trois dimensions de l'imaginaire, du symbolique et du réel par un quatrième rond sont autant d'éléments structurels qui ne peuvent être évincés de la question traumatique. De ce fait, entre un imaginaire leurrant, un symbolique où manquent des signifiants essentiels, et un réel par définition impossible à dire, l'être parlant se débat avec des trous où sa subjectivité est appelée à disparaître. L'être parlant est exposé nécessairement au trauma psychique. Il est donc toujours potentiellement traumatisable. Il ne l'est pas nécessairement. Fondamentalement, avant d'être traumatisé par un évènement, l'être parlant est confronté à l'impossible jouissance de sa motion pulsionnelle sauf à en apercevoir sa propre annihilation. La Jouissance manque. Le rapport sexuel n'existe pas, c'est à dire qu'il n'existe aucun rapport "naturel" inscrit dans l'inconscient qui ferait de l'articulation de l'Un à l'Autre une jouissance Une et une loi générale, normative et instinctive. La rencontre avec un "ce n'est pas ça" est toujours potentiellement traumatique. L'effraction de pudeur, le déchirement des défenses qui voilent la rencontre avec le réel traumatique sont constitutifs du trauma. Tout traumatisme ne produit pas cette effraction. Il convient plutôt de s'en réjouir plutôt que de victimiser quiconque. C'est une exigence clinique donc éthique. A suivre.
par Olivier MILHERES 26 déc., 2021
Le 12 octobre 2021 l a direction de la CAF Touraine et son service d'action sociale ont eu la gentillesse de m'inviter lors d'une journée consacrée à l'épuisement parental. J'ai pu ainsi intervenir pour présenter un retour d'expérience de l'animation d'un groupe de parents avec CSC de Bléré. Cette prise de parole devant des professionnels de l'action sociale m'a permis de rappeler quelques fondamentaux que l'on retrouve aussi bien dans la pratique auprès des enfants.En effet, la participation au dispositif PsyEnfantAdo est elle aussi ensiegnante à plus d'un titre. J'ai aussi eu l'opportunité de participer au retour d'expérience national, portant ainsi une parole incisive sur l'écart entre l'approche administrative et bureaucratique de l'accompagnement psychique en France et les réalités cliniques. Pour faire bref, la pratique clinique n'est pas à calquer sur le modèle de la réparation de voiture : bilan initial, intervention, bilan final. Cette vision est non seulement idiote mais ausis nocive. Par exemple : croyons nous vraiment qu'un parent puisse confier son enfant à un "psy" en acceptant d'être totalement écarté du dispositif? Ces deux moments me donnent l'opportunité de rappeler que les symptômes des enfants ont très souvent ceci de radical qu'ils ont pour fonction paradoxale d'équilibrer le système familial tout en indiquant, d'une manière certes inadéquate, les dysfonctionnements de ce propre système. Un symptôme est une tentative de résolution d'un conflit maintenu insu. Les symptômes des enfants sont ainsi le complément en quelque sorte des conflits présents dans la famille ou dans les liens avec un parent déterminé. Il s'en suit que la responsabilité des parents est de renoncer à leur culpabilité paralysante pour agir et modifier eux-même leur propre rapport à la vérité. On ne peut que sévèrement déplorer certraines attitudes parentales qui visent à "pathologiser" leurs enfants pour mieux s'exonérer de leurs attitudes. C'est ici une voie sans issue et porteuse d'une violence certaines. A contrario il est toujours très émouvant d'échanger avec ces parents qui affrontent leurs difficultés et modifient leur existence dans leur propre intérêt et celui de leurs enfants, ceci au prix parfois de remises en causes et de décisions difficiles. Il faut les accompagner s'ils en manifestent la demande et ne jamais séparer ce dont il est question pour un enfant, du système familial dans lequel il vit. Notre société aime le closionnement pour mieux désigner les coupables et les victimes. C'est le chemin de la culpabilité et de ses ravages. Le chemin de la responsabilité est celui d'accepter de regarder en face ce qui nous échappe et d'inventer une solution inédite. La bonne nouvelle dans le travail avec les enfants est celle de la labilité de leur symptôme : ils sont en mesure de trouver pour eux-même des solutions plus acceptables et même de dénouer ces conflits dans lequels ils se sont retrouvés enferrés. Pour celà les parents peuvent les y aider. Il convient alors de faire ce léger effort qui consiste à sortir des visions catégorielles et des cloisonnements qui enferment partiellement et si facilement chacun dans des cases. Au grand dam des efforts marketing aussi à l'oeuvre dans le champ "psy", il n'existe pas de burnout parental en soi! C'est une manière de commencer à parler de ce qui fait mal. Et c'est déjà beaucoup. Mais il y a bien d'autres dimensions à traverser : la libido et la question de l'amour, le trauma et les évènements de vie, etc. Plutôt que de pathologiser les enfants, les parents, les relations, ouvrons les perspectives et accompagnons les personnes dans leurs singularités.
par Olivier MILHERES 04 juin, 2021
La société contemporaine, sous prétexte d'efficacité, exige de ses membres une capacité "à fonctionner". Le monde du travail en est l'illustration. Une certaine approche médicale, aussi. L'illusion qu'à chaque "problème" correspondrait une solution prédéfinie pullule. Ceci ouvre bien sûr un marché, celui de ceux qui détiendraient les-dites solutions. Or, il se pourrait que prolifère ainsi une méprise fort inquiétante. A se concentrer sur le symptôme, le problème, autrement dit sur la partie émergée de l'iceberg, il se pourrait que l'on alimente d'autant plus les difficultés et que l'on prépare assurément de futures crises et douleurs. Paradoxalement, à vouloir éviter le moment présent, les individus comme les organisations, se privent du temps précieux de l'élaboration et de celui que l'on nomme avec Lacan : le temps pour comprendre. A titre d'exemples, puisqu'un établissement médico-social "va mal depuis longtemps" et que les travailleurs sociaux sont "démobilisés", alors il faudraitt les "remobiliser"! Puisque ce patient est "en dépression" il convient de faire taire ses "idées noires", etc. C'est toujours avec un étonnement renouvelé que j'assiste à ce type de réactions, à cette incapacité de penser au-delà de l'imaginaire en miroir, de l'immédiateté et des relations causales linéaires : "si tu souffres de A, alors il te faut non-A". Un "pseudo-thérapeute auto-institué" exprimait fierment qu'il interdisait à ses "clients" de dire des paroles négatives. Voilà sa recette, dont de nombreux magzines, professionnels ou non, se font le relai : "ne dîtes que des pensées et paroles positives, taisez le reste, et ça ira". Autrement, dit, pour que le problème disparaissent, faîtes comme s'il n'était pas là. Il faut traduire l'envers du décor : "vous serez un client satiasfait qui deviendra un prescripteur à court terme". Il y a ici une instrumentalisation inadmissible des effets de transfert que nous avons déjà pointé dans ce blog. Aujourd'hui il s'agit de mettre en relief l'importance de ce temps pour comprendre qui est celui, où l'on accepte de ne pas comprendre, de ne pas recourrir à des explications et du sens pour annihiler les effets du symptôme ou de la crise. Si tempérer les conséquences douloureuses est une évidence, ne pas les évincer devrait en être une autre. C'est en acceptant d'examiner le moment présent, de ce qui se dit et se tait, de ce qui est agi et de ce qui est inhibé, que l'on procède à une ouverture, et que la douleur s'en trouve amoindrie, et en voie d'être vidée. C'est en acceptant, c'est à dire, en ayant une lecture juste des éléments conflituels, et un bien-dire à leur sujet, que l'individu comme l'organisation se donnent la chance de percer un trou à travers cette souffrance insuuportable, et de retrouver une capacité à respirer. Choisir la douceur plutôt que la violence passe par une ouverture qui articule l'attention au moment présent et l'acceptation du temps nécessaire pour comprendre. Or, c'est exactement en ce point précis que commence le véritable travail. La pratique psychanalytique n'est pas une investigation intellectuelle. Le recours à l'association libre (dire ce qui vient à l'esprit sans se censurer, même les futilités) allié à une attention portée sur la polysémie, l'équivoque, etc. , permet de combiner une approche à la fois rigoureuse et intuitive. Il n' s'agit donc pas d'une exploration intellectuelle du passé, mais d'une énonciation et d'un dire actuel, ici et maintenant. Dans une autre tradition, Chögyam Trungpa nous propose une analogie pertinente : " On découvre plutôt ce que l'on était en pénétrant plus en profondeur dans la situation présente. C'est la différence entre une approche intuitive et une approche intellectuelle. Vous pouvez retourner en arrière intellectuellement mais cela ne vous aide pas, vous demeurez bloqué à l'intérieur du même point de vue. L'idée générale, c'est que si vous arrivez à réaliser ce que vous êtes au moment présent, vous n'avez pas besoin d'essayer de revenir en arrière. Ce que vous êtes maintenant contient tout ce que vous avez été. " Réaliser ce qui vous détermine est le passage indispensable pour trouver un degré de liberté. Il s'agit de sortir du confort de l'ignorance dont le prix est exhorbitant : celui de la répétition des souffrances. Comme le souligne d'une manière incisive Trungpa : " Ignorer que l'on ignore est un bonheur, du moins du point de vue de l'ego ". En effet, c'est un bonheur dont le prix est parfois insoutenable. Dans la pratique psychanalytique il s'agit de faire advenir un savoir, celui dont est le sujet, et à partir duquel on peut orienter sa vie et son désir. Même s'il faut pour cela sortir l'ego de son bonheur mortifère.
par Olivier MILHERES 08 mai, 2021
Il y a quelques jours, sur un réseau social professionnel bien connu, j'ai pu visionner une courte vidéo de six minutes environ. Elle se classait au premier rang des publications du réseau. Elle est édifiante à plusieurs titres. En premier lieu, reconnaissons qu'elle est réalisée avec brio. La personne y avance un discours a-théorique, universel, sans justification ni référence, sauf au bouddhisme, en passant. Sa thèse est simple, claire et précise : apprenez à lâcher-prise et vos problèmes seront en grande partie résolus, et surtout vous pourrez atteindre un état de "bien-être" au travail. Votre "qualité de vie" sera nettement améliorée. Rien de moins. Pour se faire, le conférencier, détaille la méthode. Se calmer, être attentif, observer et prendre de la distance. Il invite chacun "à pratiquer" et à le tenir au courant des résultats. Rien de plus simple et efficace. C'est fantastique! Si d'après Céline l'amour est l'infini mis à la portée des caniches, le lâcher-prise est la toute puissance divine et sa sagesse mises à la portée de madame et monsieur tout-le-monde. Tout est extrêmement simple. Nous sommes tout près de la pensée positive la plus élémentaire : n'ayez que des pensées positives et vous n'aurez plus de pensées négatives. C'est facile. Faîtes-le. La logique est imparable. Ce discours "mainstream" remplace celui du café du commerce, avec pour ironie que, ceux qui le relaient et y adhèrent se sentent bien éloignés de l'univers populeux du zinc. Qu'ils se détrompent : ils y sont en plein, sans le savoir. Ils fréquentent intellectuellement ce qu'ils honnissent matériellement. L'originalité du conférencier est de faire une allusion au bouddhisme. Voilà qui le rend sympathique et assoie discrètement la légitimité de son exposé. Pour autant, par cette référence il révèle à son insu le tour de passe-passe qui inonde une grande part du développement personnel, pardon, le marché du développement personnel, du bien-être personnel et en entreprise. Le mantra du "lâcher-prise" ne date pas d'aujourd'hui mais fleure toujours la nouveauté, l'incessante "up-to-date". Il y a une trentaine d'année, il était courant d'entendre des thérapeutes gestaltistes promouvoir cette expression. Cela fait en effet un certain nombre de décennies que le bouddhisme est constamment recyclé et "laïcisé" dans des mouvements de thérapie, de management, de développement personnel. Pourquoi pas finalement? C'est là que le bât blesse. Le Dharma bouddhique est fondamentalement gratuit dans son essence. Le génie marketing contemporain est de monétiser les enseignements originaux du Bouddha Sakyamuni. On paye pour apprendre à respirer! On paye pour apprendre à méditer! On paye pour apprendre à soi-disant "lâcher-prise" qui n'existe pas comme tel dans le bouddhisme en dépit de ce que l'on veut nous faire croire. Or, dès son premier sermon dit de Bénarès, le Bouddha expose les Quatre vérités pour les nobles êtres . Il indique notamment que tout est "souffrance-insatisfaction" et que l'ignorance et le désir-attachement sont des raisons fondamentales de cet état. Il indique la "voie du milieu", c'est à dire qui se garde des excès de l'ascétisme et de la jouissance des sens. Cet Octuple sentier se termine par deux étapes majeures, celles qui constituent le cœur des pratiques bouddhiques de la méditation. Plus précisément, si le désir-attachement à plus à voir avec la notion lacanienne de jouissance, avec l'obsession, avec la compulsion de répétition freudienne, la distanciation qu'il conviendrait de cultiver envers lui n'est nullement un appel au renoncement ni au déni, même dans sa version la plus psychiquement raffinée (la Verleugnung). Le lâcher-prise bouddhiste est indissociable de l'acceptation des émotions (au sens large) et de leur "laisser-passer". La discipline prônée par le Bouddha et reprise dans de nombreux enseignements et écoles bouddhistes au fil des siècles est une pratique située aux antipodes de sa falsification, monétisation et réduction que nous trouvons dans les champs thérapeutiques, managériaux et du développement personnel. Elle requiert une assiduité de pratique, un inconfort, une mise à l'épreuve et surtout le développement d'autres habiletés indissociables tel le non-jugement. Au temps des évaluations généralisées réduites à des audits de conformités et certifications, nous pouvons douter de la cohérence de l'approche globale qui nous est proposée. En effet, la version contemporaine du "lâcher-prise" est une réduction dangereuse car elle évince la nécessité de l'effort et de la durée, de la mise à l'épreuve et de la régularité de la pratique. Au mieux, elle dépouille l'enseignement bouddhique de sa substance pour relooker la méthode Coué. " Je dois lâcher-prise " devient alors une nouvelle injonction surmoïque devant laquelle tout un chacun ne peut que faillir ou se diviser et se cliver jusqu'à être encore plus étranger à soi-même. Elle est la fabrique d'une nouvelle culpabilité : celle de ne pas réussir à lâcher-prise! Elle est tellement bien "marketée" que sa stupidité nous est voilée. Qui peut sincèrement croire qu'il possède la capacité de se débarrasser de l'emprise de ses pensées et émotions en quelques clics, à l'aide d'une technique aussi miraculeuse que merveilleuse. L'encouragement et la diffusion de cette pensée magique ne peut qu'entraîner des drames singuliers en facilitant l'éclosion de la culpabilité. Elle prospère sur la superficialité et l'inculture standardisée dissimulée par la suffisance de es ego, qui amènent par exemple Jacques Attali à déclarer sur la chaîne Cnews le 7 mai 2021 que le bouddhisme c'est "moi-je d'abord". Elle joue de la crédulité des individus infantilisés devant lesquels on agite le hochet du "bien-être" à peu de frais, non sans un coût ni une marchandisation. Se déprendre du fantasme, se désintentifier, accepter la nature de semblants de l'imaginaire et du symbolique, réduire la toute-puissance des idéaux, ne plus confondre ce qui cause le désir avec l'objet illusoire de sa satisfaction, etc., bref, réduire l'emprise du Moi pour retrouver une subjectivité singulière ("Wo Es war, Soll Ich werden"), cela demande du temps. En ceci le bouddhisme et la psychanalyse ont en commun le refus de la pensée magique et le goût de l'authenticité. Bouddhisme et psychanalyse ont une démarche inverse. L'expérience analytique permet l'émergence d'un savoir "cru en son propre" selon le mot de Lacan. Le savoir étant le lisible, c'est une écriture singulière qui advient. Chaque cas, selon la volonté de Freud, réinterroge la doctrine analytique. A contrario, pour le pratiquant bouddhiste il s'agit de recevoir un enseignement, puis de le méditer, de le comprendre, et de le mettre à l'épreuve. Le Bouddha recommandait d'éprouver son enseignement avant de le tenir pour vrai. D'ailleurs, après 45 années de discours et sermons, il fixa en 4 sceaux sa doctrine. Au milieu de tout cela, notre modernité ne craint pas le ridicule en réduisant tout le temps d'élaboration psychique en un slogan devenu une injonction aussi vide de sens que déceptive : "lâchez-prise"!
par Olivier MILHERES 16 avr., 2021
" Le Bien singe le Mal chaque fois qu'il le faut ". Avec son ironie mordante, Philippe Murray dénonçait déjà (ô prophète!) en 1991 les noces entre le Bien et la Fête qui exacerbaient leurs tendances naturelles à s'alimenter au sentiment de persécution car " d'avoir réduit au mutisme toute opposition ne leur suffit pas ". Leur enfant chérie, la Bienpensance continue de faire en sourdine des ravages et de sceller des drames individuels dont la société du spectacle ne veut rien savoir. En effet, c'est un point d'horreur clinique devant lequel il ne faut pas renoncer, que d'entendre des individus reconnaître leurs "brunouts" ou leurs douleurs psychiques et existentielles et, dans le même mouvement les minimiser, les banaliser, comme si elles n'avaient pas droit de cité, comme si ce geste était devenu honteux. Combien de personnes ne sont-elles saisies par un réel traumatique, après-coup, bien trop tard, quand les conséquences d'une situation mi-reconnue, mi-déniée, produit des catastrophes?Faut-il vraiment l'éclosion d'une maladie grâve, la dissolution d'un couple, l'explosition de violences, la perte d'un emploi, la mort d'un proche, l'envahissement insupportable d'une douleur inexprimable, pour s'arrêter, et se parler, et parler à un autre? A force de se mentir, de fermer fortement les yeux, de différer vers des lendemains radieux, de se gaver de narcotiques contemporains (alcool, jeux vidéos, sexe, pseudo-spiritualité, médicaments, etc.), bon nombre de nos concitoyens sont persuadés qu'il faut renoncer à une appropriation subjective de son mal-être. Ce défaut d'élaboration psychique comme le soulignait Freud irait de pair avec une apologie du bien-être immédiat. Il y a dans cette prédisposition une démeusure, une hybris meurtrière. Il faut réduire le temps, le ramener à l'instant. Alors que, pour élaborer sa souffrance : il faut du temps. Si la tarification à l'activité a été si villipendée dans l'hôpital, peu importe, introduisons là en psychiatrie! Telle semble être l'option choisie. La dépression, mesdames, messieurs, c'est 35 jours! Faîtes donc un effort pour être "gueri" dans ce laps de temps! Pour paraphraser Sade: Français, encore un effort pour être mentalement sains! Or, cliniquement, la société aurait tout à y gagner en revenant aux fondamentaux de la clinique freudienne. Si les maladies somatiques, les violences, les actes mortifères viennent en lieu et place d'une souffrance psychique non éprouvées, cela est possible parce que tout simplement : la perception de la douleur ne va pas de soi! Cette vérité première semble être passée aux oubliettes de toute réfexion clinique, bureaucratique et politique. Les mécanismes de défense y objectent, les ressentis sont confusionnels, les symptômes agencent des substitutions entre les causalités. L'être parlant n'est pas transparent à lui-même, dans une espèce d'immédiateté toute-puissante. Il serait temps de reconnaître enfin, que l'accès à une certaine dépressivité puisse constituer un réel progrès : celui de la reconnaissance et de l'acceptation de la douleur psychique, et des logiques temporelles dont nous sommes l'objet. C'est un préalable essentiel à cette douleur puisse être vidée de son pathos sans être niée, déniée, reniée, effacée. Les êtres humains ne sont pas des robots à reprogrammer ni des animaux à dresser. Comme il est écrit dans le Dhammapda : " Un homme inattentif est un homme mort ". Nos sociétés éloignent les vivants de cette hospitalité première qu'ils doivent entretenir avec eux-mêmes. Elle est le socle d'une ouverture sur l'extérieur, sur l'autre. Elle est le fondement de la disparition d'une certaine angoisse et de cette dépression qui hante tellement ceux dont le fantasme nocif concoit l'humain comme "une machine réparable" et dans l'immédiateté. Pour clore temporairement ce bref billet, laissons encore la parole à Philippe Murray : " C'est une grande infortune que de vivre en des temps si abominables. Mais c'est un malheur encore pire que de ne pas tenter, au moins une fois, pour la beauté du geste, de les prendre à la gorge. "
par Olivier MILHERES 28 mars, 2021
L'édition 2021 du Printemps des poètes a promu comme titre " Le désir ". D'un point de vue psychanalytique, rien n'est plus confusionnel que ce mot, tant il est source de contresens. Notre société est tellement submergée par les impératifs de jouissance que nous n'entendons même plus qu'il soit possible et souhaitable de désirer sans convoiter un objet. Le modèle de la "luciole attirée par la lumière" semble règner. Nous sommes captivés par des objets dont la promesse de jouissance et de satisfaction nous détournent de notre propre luminescence. Nous sommes attachés aux enveloppes imaginaires et symboliques auxquelles nous accordons une valeur aussi démeusurée qu'idiote. Nous n'apercevons plus la légèreté qu'apporte le consentement au désir inconscient dépris du fantasme, lequel organise les noces ténébreuses et confusionnelles du sujet et de l'objet. Désirer tel un navire au portant, poussé par l'énergie pulsionnelle de l'objet sans nom, dit " objet a " dans l'algèbre lacanienne, n'est pas une disposition socialement valorisée. Au contraire, nous sommes constamment rappelés à un devoir de fixité, de lourdeur, de pesanteur, d'attachement. Les injonctions du maître relayées par ses sbires contemporains y travaillent sans relache. A " la varité " lacanienne s'oppose la fixité du normalement admis et exigé. La supposée "crise sanitaire" actuelle (n'y a-t-il pas d'autres "crises" plus sourdes et plus massives?) libère ce que Pierre Legendre nommait L'amour du censeur . Il s'agit de lire le sens génitif objectif et subjectif de ce titre. Ces derniers sens se rejoignent dans la propension de certains Trumains à trouver une jouissance normalisée dans l'acte de délation, au nom du Bien, en conformité avec la Loi. La délation dévient un acte civique auquel la honte ne vient plus faire barrage ni embarras. Dernièrement, j'embarquais sur Le passeur , barge publique permettant de traverser un chenal en quelques minutes. Le pilote, fort gêné me demanda de réajuster mon masque car, seul, à l'air libre, buvant un café et tentant de lire La disparition du paysage de jean-Philippe Toussaint, je contrevenais "aux règles" (ce qui se discute) et surtout, je le mettais en grande indélicatesse car une nouvelle activité aurait tendance à se développer ces temps-ci : la prise anonyme en photo des contrevenants par des regards autant dissimulés qu'invisibles et leur envoi aux autorités municipales à des fins de délation et de dénonciation. Une des crises fondamentales qui affectent notre occident est bien la recherche de cet amour du censeur auquel on ne cesse d'envoyer des signes d'amour, notamment par la délation. Souvenons-nous que la voie royale de la perversion est la volonté de faire le Bien de l'autre en se fondant sur la croyance de détenir un savoir sur sa jouissance. Voilà donc une opposition majeure entre le désir et la perversion la plus banale et quotidienne. Une goutte d'antidote : Phlippe Sollers " Légende " (Ed. Gallimard) et " Seule la mer " d'Amos Oz (Ed. Folio).
par Olivier MILHERES 11 mars, 2021
Commençons par citer un extrait de la collaboration entre Hugo Marchand, danseur étoile et Caroline de Bodinat, journaliste et romancière : " Je me transforme. [...] Je dois cette tranformation physique à Eric Camillo. Il m'apprend à travailler en trouvant les clefs par moi-même. Il me pousse à l'introspection. Il est des muscles dont je n'ai pas conscience encore. La connexion de n'est pas établie entre le corps et le cerveau. Il me fait capter cette première étape, la non-conscience. La deuxième est la conscience, mais l'incapacité nerveuse à agir sur le muscle ou l'articulation. L'étape suivante consiste à parvenir consciemment à faire travailler le muscle et la dernière étape est l'autonomisation. Ce microtravail de maîtrise permet d'accéder à une technique plus virtuose. Petit à petit, jour après jour, je prends le contrôle. Je forge mon corps de danseur en un corps d'athlète danseur. Cet idéal vers lequel je tends est infini. C'est un plaisir organique. Un moteur quotidien. " Il faudrait relire le séminaire Encore de Lacan où il rappelle qu'un corps " ça se jouit ", à l'aune des travaux de Sarah Garfinkel sur l'interoception. La jouissance, quand elle vire au plaisir est magnifiquement bien décrite par Hugo Marchand. Le plaisir éprouvé est organique au sens qu'il conjoint l'être et l'avoir, que la division subjective est dépassée (au sens de l'aufhebung hégélienne) et que le temps est celui de la réitération. Cette magnifique illustration est un subtil thème sur lequel porter sa méditation! Pour autant, le regard admiratif que nous pouvons poser sur ce danseur étoile vient d'une interview récente dans laquelle il évoque "l'après". Est-il suffisamment accompli pour intégrer l'impermanence au rapport qu'il entretien à sa propre jouissance? Chapeau bas.
par Olivier MILHERES 28 févr., 2021
La série diffusée par la chaîne Arte " En thérapie " déclenche un certain nombre de commentaires embarrassés dans le landernau psychanalytique. Soyons clair : cette série ne sert pas la cause analytique, bien au contraire. Cinématographiquement parlant, c'est indéniablement une réussite : le jeu des acteurs, l'enchevètrement des récits, le format, le rythme, etc, sont à saluer. C'est une réussite. Psychanalytiquement parlant, c'est une catastrophe. Nous assistons au déploiement d'un fantasme névrotique portant sur le personnage de l'analyste. Roni Bath, le "psychologue" (et non pas psychanalyste), comme il se présente, qui a oeuvré comme consultant pour cette série (et bien d'autres réalisations cinématographiques) le dit clairement : il s'agissait de " montrer l'homme fragile qui se cache derrière le professionnel ". Cette intention livrée très simplement éclaire le ratage complet de " En thérapie " au regard de la psychanalyse. Dans cette série, il n'y a aucune trace de psychanalyse parce qu'il n'y a pas de psychanalyste au sens lacanien du terme. Dayan est un thérapeute qui peut attirer de la sympathie et de l'intérêt, mais il ne tient pas la place de l'analyste dans le discours analytique tel que Lacan l'a élaboré et que tout analyste doit soutenir dans sa pratique, selon son style. Les efforts pour montrer le sérieux professionnel du personage couplé aux déboires privés qu'il traverse sont au service d'une idée : l'analyste est un être humain comme un autre, fragile. La stupidité naïve de cette visée s'entend clairement à la condition d'en savoir un peu plus sur la fin de l'analyse. Le grand public, lui, n'est pas averti, cela ne peut être autrement. La pratique analytique n'est pas l'exercice plus ou moins intellectuel d'une profession ; absolument pas. Le véritable héros de la série n'est pas la psychanalyse mais monsieur Dayan dont la posture est bien éloignée de celle de l'analyste. Lacan n'a cessé de pointer le fourvoiement de l'attitude de celui qui veut se faire le médecin de l'âme humaine, qui recherche le bien de ses patients et qui ravale la parole à la conversation, au dialogue, à l'éloge du sens, de l'explication intersubjective. Bien au contraire, la pratique du bavardage, parce que la parole bave, postillonne, achoppe, doit s'inscrire dans la perspective freudienne du chirurgien qui laisse de côté les réactions affectives. Elever l'acte analytique à la dignité de celle de l'acte du chirurgien disait Lacan. Le désir inédit de savoir, qui est du côté de l'analyste, ne lâche rien sur la division du sujet, qui de parler se découvre être parlé. L'analyste, par son art de la présence, du retrait, de la coupure, de la polyphonie de l'équivoque, avec son corps, permet à l'analysant de rencontrer l'Autre de la parole. C'est à ce prix que le troumatisme du réel pourra se cerner et s'apprivoiser. Le sens et le dialogue y échouent immanquablement. Dayan y est emprétré. Dayan apparait comme un personnage qui se débat avec sa propre névrose, à l'instar de ses "patients". Quelle drôle d'idée! Une analyse est une mutation subjective, une dissolution, une simplification et un renouveau. On est en droit d'attendre de celui qui a traversé l'expérience un autre rapport à la vie, à la vie psychique, à la vie quotidienne, à la vie amoureuse, au désir. C'est ce qui est totalement éludé dans cette série et l'on aurait tort de l'encenser en croyant profiter du malentendu qu'elle véhicule : du moment que ça permet de parler de psychanalyse ... Le public est au contraire amené sur la voie contraire, celui de se trouver perplexe devant le bonhomme "psy" et de se demander finalement à quoi ça sert une analyse si l'analyste est ainsi. C'est sur ce point que la série ne rend pas service à la psychanalyse. Pour autant, peut-être que cette série pourrait nous permettre d'entendre que quelque chose clôche dans le "milieu" psychanalytique. Pourquoi les analystes ne témoignent-ils pas des mutations engendrées par la cure achevée, en tant qu'analysants? Pourquoi ne rendons-nous pas publique ce que l'on peut attendre d'une cure achevée? Remarquons finalement que la série s'intitule " En thérapie " et non pas " En analyse ". Heureusement pourrions-nous dire. Michel Schneider dans le magazine Le Point du 25 février 2021 nous rappelle quelques vérités premières, notamment que l'usage de la parole n'est pas aussi simpliciste que l'on voudrait nous le faire croire dans la société du spectacle : " La délation n'est pas une thérapie, [...], la libération de la parole n'est pas synonyme de libération par la parole ". Michel Schneider souligne un des aspects positif de la série, même si nous en réfutons la qualification de psychanalyse : " Comme le montre justement En thérapie , il faut du temps et de l'intimité entre un thérapeute et son patient pour que la parole de ce dernier ait des effets curatifs .". Du côté de la psychanalyse, nous pourrions dire qu'il faut du temps pour que l'analysant accède aux dimensions du bien-lire et du bien-dire, grâce aux coupures, épissures et sutures produites par les interprétations de l'analyste, lesquelles fonctionnent comme des énigmes et mots d'esprits, entre sens et hors sens. " Qu'on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entend "(L'étourdit). A quand une oeuvre cinématographique sur la psychanalyse qui saisirait l'écart entre le réel et la vérité ? Laissons le dernier mot au poète Jean-Marc Sourdillon dont nous adaptons le texte : " Souffle avant courreur d'une parole qui balbutie [...] c'est pour cela qu'il est venu, pour que dans sa vie s'introduise quelque chose d'intact et de frissonnant et qu'alors il puisse, seulement alors, en toute conscience, commencer à naître, à naître vraiment au long d'elle dans la nuit froide, guidé de loin en loin par cette respiration, cette lumière qui hésite et qui tremble dans le froid, dans le verre, dans l'attente comme tout ce qui dans ce monde est vivant ".
par Olivier MILHERES 01 févr., 2021
La question du savoir en psychanalyse ne peut être abordée indistinctement de celles de la vérité et de la jouissance. Ces trois termes forment un triptyque essentiel dans l'économie des Vivants Parlants que nous sommes. Certaines personnes qui se prétendent psychanalystes s'évertuent de se présenter publiquement comme "ne sachant rien". Elles croient, en adoptant faussement une posture pseudo-socratique, faire montre de leur accomplissement : elles seraient des sages à la façon psychanalytique, comme on cuisine des spagettis à la bolognaise. Il n'y aurait plus l'once d'un doute possible : la chose serait bien le mot. Rien de plus falsifié que cette affichage. La fascination du "rien" fonctionne, certes. Il y a toujours un bon public pour croire. Croire dans les signes de sagesse incarnés (voix lente, presque faible, à l'amplitude maîtisée, les gestes doux, le sourire presque béat, la sérénité bien établie et la réflexion intellectuelle constamment à l'oeuvre). Bref, quand le stéréotype religieux s'invite, il y a tout à craindre pour l'avenir de la psychanalyse. n'avez-vous jamais croisé ces "psychanalystes" qui ressemblent si bien à l'idée-type que l'on se fait de la bestiole? Plus une personne colle ainsi au stéréoptype, plus on peut envisager raisonnablement d'avoir certains doutes. En effet, la moindre chose que l'on attend d'un analyste c'est qu'il puisse utiliser le savoir "cru en son propre" dans sa cure. Aux prétendus analystes qui affirment "je ne sais rien" pour mieux impressioner leur auditoire, s'auréoler d'un halo de mystère, il convient de leur dire : eh, bien, faîtes une cure car "tu peux savoir"! En latin : Silicet! C'était le nom de la revue a-périodique fondée par Lacan. L'inconscient réel est un savoir sans sujet qui nous détermine. l'impératif freudien Wo es war, Soll Ich werden, trace la voie depuis plus de 120 ans! Mais le chemain est ardu et beaucoup y résistent encore. L'analyste opére à partir de son désir, désir inédit de savoir ; justement! Ceux qui se soutiennent si habilement de leur "je ne sais rien", déclarent sans s'en rendre compte qu'il n'entendent rien à la pratique de la psychanalyse. Ils se rangent toujours du côté de la passion infernale du "je n'en veux rien savoir", celle du Moi qui objecte à tout mouvement et qui résiste inlassablement pour préserver l'attachement à ses pensées. Celle qui s'arrange si bien de l'haineamoration. L'analyste a justement recueilli un savoir, "bouts de réel", aux confins du dicible. Le réel apparait dans le vacillement des semblants (symbolique et imaginaire) et dans la faille de la division du sujet. Le savoir a fait de cette expérience incarnée quelque chose de lisible. Pas pour autant transmissible à tous, tout de go. C'est un des fondements de la procédure de la passe : se reconnaître entre s'(a)voir, dans le noir, l'imaginaire rabattu. Mais l'exigence envers l'analyste de s'arrête pas là, loin s'en faut. C'est à partir de son "savoir-y-faire", de l'inconscient réel, qu'il agit, porté par ce désir inédit de savoir. L'analysant est constamment aux prises avec l'antithèse du désir de savoir : "je n'en veux rien savoir". Proclamer "je ne sais rien" c'est l'aveu d'une capitulation devant la tâche analysante. C'est faire prendre des vessies pour des lanternes, les vessies de la connaissance pour celles du savoir. Le savoir issu de l'inconscient n'est pas celui de l'université. Le savoir n'est pas la somme des connaissances acquises. Ils sont hétérogènes. Dans le discours analytique, l'analyste s'appuie sur ce savoir (S2) en place de vérité. Cela ne vaut que lors des séances. Il n'y a pas d'analyste hors de la pratique, même si beaucoup se plaisent à l'oublier... L'anayste aura parcourru les arcanes du triptyque vérité - savoir - jouissance pour en nouer et dénouer chaque couples. La vérité devenue v(a)rité sera reconnue pour ce qu'elle est : menteuse. Et une satisfaction s'en dégagera. Le savoir sur la jouissance ne sera pas tenu pour "pur" dans la mesure où la jouissance de ce savoir sera à explorer et prendre en compte. Voilà peut-être ce qui fat défaut à nos prétendus analystes qui, en fin de compte nuisent à la psychanalyse en en falsifiant sa finalité. La rigueur est une exigence constante dans la cure. C'est une topologie, une géométrie mouvante, soumise au temps, matière d'un acte qui se constitue de coupures, sutures, épissures, retournements, etc. Le savoir n'équivaut pas au sens. Si ce dernier à toujours un versant sexuel et religieux, le savoir est double : équivoque et essaim d'éléments hors sens. A bon entendeur ...
par Olivier MILHERES 24 janv., 2021
les commentateurs du séminaire XXIV ont coutume de lire l'équivoque du titre ainsi : "l'insuccès". Pourquoi donc privilégier l'échec et le ratage, toujours et encore? Il est en effet curieux que l'autre possibilité, à savoir "l'un succès", soit si généralement et si facilement refoulée. Examinons brièvement à quelles pourraient être ces les ailes de l'amour qui émergeraient du succès de l'unebévue? La première s'appelle "sagesse". Puisque nous sommes au temps du new age triomphant, quasiment plus personne ne comprend cette dimension, tant elle est obscurcie de guimauve pseudo-spirituelle. Il s'agit d'une compréhension (au sens d'un savoir) de la réalité ultime (le réel lacanien) comme le disent les maîtres bouddhistes du Vajrayana. Dans ses écrits sur la passe, Lacan attend de l'analysant qu'il puisse faire passer, dans le noir, son savoir, c'est à dire le lisible qu'il détient sur les "bouts de réel" qu'il a rencontré dans sa cure. Voilà une belle affinité avec l'exigence de sagesse qui ous dit qu'il ne s'agit pas d'être sage ou d'en avoir l'air, ce qui est pire encore. Première aile donc. La seconde se dénomme dans la tradition bouddhiste : "les moyens habiles". Aussi incongru que cela puisse apparaître aux oreilles morales des occidentaux rationalistes (éperdus d'une spiritualités asiatique "pure" qui n'existe pas), les moyens habiles sont un outil de guerre redoutable : ce sont toutes les méthodes qui utilisent habillement la fiction de la dualité pour nous préparer à aller au-delà, c'est à dire au niveau du réel. Cela n'a-t-il pas quelque chose à voir avec le sinthome et le savoir-y-faire qui lui est attaché, comme un des marqueurs principaux de la fin de la cure ? Lacan le définit comme le peu de réel que nous avons, mais aussi comme ce que nous avons de plus réel. Ce quatrième rond, dans le noeud borroméen généralisé se place entre le symbolique et le réel. Il est à la jointure entre le monde de la dualité (lalangue, opposition de phonèmes) et de la dimension qui ne manque de rien, hors sens, le réel. Cela a aussi éminement à voir avec la vérité menteuse, dont la fin de la cure signe la satisfaction. Dans le bouddhisme Vajrayana il est dit que "moyens habiles" et "sagesse" sont les deux ailes qui permettent à l'oiseau de voler. Dans la version lacanienne, Sinthome et "bouts de réels" sont les voies de réalisation d'un nouvel amour, distinct du désir, mais qui comme lui sait voler pour le rejoindre au champ de la jouissance.
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